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SUR DU GUESCLIN.

pour mieux reconnoître la place, le gouverneur luy demanda ce qu’il vouloit, et qu’elle étoit la raison de sa curiosité, qui luy faisoit étudier ainsi l’assiette de son fort. Guesclin luy répondit qu’il ne faisoit cette démarche que pour sçavoir son nom, dans l’esperance de se pouvoir ainsi aboucher avec luy. Ce commandant luy témoigna qu’il étoit bien aise de le contenter là dessus, et qu’il s’appelloit le chevalier Gautier. Bertrand l’exhorta de luy rendre sa place sans se faire attaquer dans les formes ordinaires par une armée royale et victorieuse qu’il commandoit en personne, en qualité de connétable de France, ayant avec soy tous les braves de ce royaume, dont étoient les deux maréchaux d’Andreghem et de Blainville, Olivier de Clisson, le vicomte de Rohan, les seigneurs de Reths, de Rochefort, de la Hunaudaye, Jean et Alain de Beaumont et toutte l’élite et la fleur de la France. Ce gouverneur l’assûra qu’il le connoissoit peu pour luy faire une semblable proposition ; qu’il n’avoit jamais été capable d’une pareille lâcheté ; que quand ses murs seroient tout percez comme un crible, ses gens tüez et luy même tout couvert du sang de ses blessures, il ne songeroit pas encore à se rendre, et là dessus il luy fit commandement de se retirer au plûtôt, s’il ne vouloit se faire écraser sous un monceau de pierres, qu’il luy feroit jetter sur la tête. Ha larron, luy dit Bertrand, tu es en ton cuidier ; mais par la foy que dois ci Dieu, jamais ne mangeray ne ne bauraj tant que je j’aye pris ou mis en mon dangier.

Le gouverneur se moqua de luy bien loin de luy témoigner qu’il fût alarmé de louttes ces menaces ; et