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SUR DU GUESCLIN.

faux, en saisissant Granson par le corps et le colletant avec tant de force, que non seulement il le jetta sous luy, mais luy arracha la hache qu’il tenoit, dont il le pouvoit aisément assommer ; il aima mieux genereusement luy donner la vie, pourveu qu’il se rendît à l’instant à luy. Granson ne balança point à le faire, et cela le mit à couvert d’un autre coup que luy alloit décharger Olivier de Clisson, si Bertrand ne l’eût paré en luy retenant le bras et luy disant que Granson étoit son prisonnier.

Il ne restoit plus qu’à se saisir de Thomelin Folisset, qui se moquoit de tous ceux qui se mettoient en devoir de le prendre, en se défendant avec un bâton à deux bouts, dont il se couvroit tout le corps. Personne n’en approchoit impunément ; il y en eut même qui, pour avoir voulu trop risquer, y laisserent la vie. Régnier de Susanville[1] fut un de ceux là. La mort de ce chevalier, que Clisson consideroit beaucoup, alluma si fort sa colere, que se jettant sur ce Thomelin, il luy fendit en deux, avec sa hache, son bâton à deux bouts. Celuy-cy, se voyant desarmé d’un instrument dont il se sçavoit si bien servir, mit aussitôt l’épée à la main pour en percer Olivier de Clisson ; mais le coup qu’il porta ne fit aucun effet, parce qu’il étoit si bien armé dessous ses habits, que l’épée trouvant une forte resistance se cassa en deux. Ce malheur obligea Thomelin de se jetter aux genoux de Clisson, pour luy demander la vie, le priant de le vouloir prendre pour son prisonnier, Hennequin, Acquêt, Gilbert Guiffart et plusieurs autres, voyans

  1. Du Chastelet (p. 195) le nomme Cressonnailles.