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ANCIENS MÉMOIRES

Le carnage fut si grand que David Hollegrave aima mieux se rendre que de se faire tuer. Thomas de Granson voyant touttes ses troupes en desordre et à demy battues, r’allia tout ce qu’il avoit de meilleur pour faire encore bonne contenance, et disputer à ses ennemis le terrain pied à pied. Il avoit encore bien douze cens Anglois dont il se promettoit un assez grand effet, mais il y avoit déjà si longtemps qu’ils étoient aux mains avec Bertrand et ses François, que tous dégouttans de sueur et du sang qui couloit de leurs blessures, ils ne pouvoient presque plus rendre de combat. Clisson, Andreghem et Vienne, voulans achever la journée, crioient pour encourager leurs gens Notre Dame Guesclin ! et l’affaire étoit déjà si fort avancée, que de tous les Anglois il n’en seroit pas échappé seulement un seul, quand Thomelin Folisset, Hennequin, Acquêt et Gilbert Guiffart survinrent avec quelque renfort pour soutenir pendant quelque temps le choc des François. Mais il leur fallut enfin ceder à leurs efforts et à leur valeur, d’autant plus que le comte du Perche, le vicomte de Rohan, les seigneurs de Rochefort et de la Hunaudaye arriverent fort à propos avec des gens tous frais, qui firent une si grande execution, que Granson voyant toutte la campagne jonchée de ses morts, et les François mener battant le reste de ses Anglois qui n’avoit pas encore perdu la vie, tomba dans un si grand desespoir, qu’aimant mieux mourir que de survivre à sa honte et à sa défaite, il prit une hache à deux mains, dont le tranchant étoit d’acier, et la levant bien haut il l’alloit décharger sur la tête de Guesclin, si celuycy, se coulant sous le coup, ne l’eût fait porter à