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SUR DU GUESCLIN.

qu’on leur alloit rendre. Bertrand fit remarquer ce desordre à ses troupes, et les encouragea de son mieux à leur aller tomber sur le corps, tandis qu’ils étoient ainsi separez et sans se tenir sur leurs gardes, leur promettant tout l’or, tout l’argent, tous les chevaux et touttes les richesses qu’ils trouveroient dans l’armée des Anglois, sans vouloir aucunement partager avec eux le butin qu’ils y pourroient faire. Il remarqua qu’ils étoient bien deux mille sur les champs qui vivoient avec beaucoup de relachement, et ne se défioient de rien ; que leurs generaux et leurs capitaines étoient logez dans des villages, attendans toûjours quelle nouvelle le trompette de Thomas de Granson leur devoit apporter. D’ailleurs Hugues de Caurelay et Cressonval qui dévoient amener un fort grand renfort n’étoient point encore arrivez ; il ny avoit que Thomas de Granson, leur general, qui se reposant sur le retour de son trompette, demeuroit dans son camp, se divertissant sous sa tente avec une fort grande securité. Bertrand voyant que le coup étoit sûr de les attaquer, il s’approcha d’eux avec tant de précaution, qu’il ne se contenta pas de faire cacher sa bannière et de ne point déployer ses enseignes ; mais il voulut que ses gens cachassent leur cuirasses sous leur habits, et que les trompettes se tussent, afin de surprendre ses ennemis avec plus de succés.

Il leur commanda de mettre pied à terre, aussitôt qu’ils se trouveroient à un demy trait d’arbalète prés des Anglois. Cet ordre fut executé avec tant de secret, que ces derniers ne s’en apperçurent que quand il fallut en venir aux mains avec les François, qui crièrent tout d’un coup Montjoye Saint Denis ! en