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SUR DU GUESCLIN.

battu les Anglois. On eut beau luy remontrer qu’il alloit faire un contretemps, et qu’il prenoit mal ses mesures, puis qu’il vouloit partir à l’entrée de la nuit au travers des vents et de la pluye qui devoient beaucoup fatiguer ses troupes, et les mettre hors d’œuvre quand il faudroit combattre ; qu’il valoit mieux attendre au lendemain, que de s’engager si precipitammant dans l’execution d’un dessein qui, mal entendu et mal entrepris, pouroit traîner après soy de fâcheuses suites. Il ne se paya point de touttes ces raisons dans lesquelles il ne voulut point entrer, jurant qu’il ne descendroit point de cheval jusqu’à ce qu’il eût trouvé les Anglois, ausquels il mouroit d’envie de donner bataille ; et que ceux qui ne le suivroient pas seroient reputez pour traîtres et pour infemes auprés de Sa Majesté, qui leur feroit sentir toutte son indignation. Il n’eut pas plûtôt fait ce serment, qu’il se mit en devoir de partir sur l’heure, n’ayant d’abord que cinq cens hommes d’armes à sa suite. Il faisoit si noir et si sombre, qu’on ne pouvoit pas voir cinq pieds devant soy, ny sçavoir quelle route il falloit prendre pour se bien conduire ; et d’ailleurs une grosse pluye, secondée d’un vent froid et piquant, les mettoit tous dans un desordre étrange. Jean de Beaumont prit la liberté de representer à Bertrand qu’il falloit au moins sonner la trompette pour s’assembler, et prendre des flambeaux pour s’éclairer au milieu des tenebres ; mais Guesclin ne goûtant point cet expédient, insista que c’étoit donner aux Anglois des nouvelles du mouvement qu’ils alloient faire, et que le bruit des trompettes et la clarté des flambeaux alloient tout révéler à leurs ennemis,