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ANCIENS MÉMOIRES

cens hommes d’armes pour deux mois, luy remontrant qu’il étoit necessaire d’ouvrir ses coffres pour lever incessamment beaucoup de troupes, capables de tenir tête à plus de trente mille Anglois, et que quand elles étoient mal payées, non seulement elles avoient beaucoup de tiedeur pour le service, mais ne songeoient qu’à piller, et ruïnoient tout le plat-païs sous le spécieux prétexte de n’avoir point reçu leur solde, Ce brave general ayant ainsi disposé l’esprit de son maître à ne rien épargner pour la conservation de sa couronne et de ses États, s’en alla droit à Caën, comme au rendez-vous qu’il avoit marqué pour y assembler un gros corps de troupes. Chacun courut en foule pour le joindre, tant on avoit d’empressement de servir sous un si fameux capitaine. Il tendoit les bras à tous ceux qui vouloient s’engager ; et, bien que Sa Majesté luy eût donné peu d’argent pour faire des levées, quand il en eut employé les deniers, il vendit sa vaisselle et tous les bijoux et joyaux d’or et d’argent qu’il avoit apporté d’Espagne, pour soutenir la dépense qu’il falloit faire pour enrôler beaucoup de soldats.

Tous les generaux les plus distinguez se rendirent auprés de luy comme à l’envy les uns des autres. Les comtes du Perche, d’Alençon, le maréchal d’Andreghem, Olivier de Clisson, dont le bras étoit si fort redouté des Anglois qu’ils l’appelloient le boucher de Clisson, messire Jean de Vienne, amiral, Jean et Alain de Beaumont et Olivier Du Guesclin, frère du connétable, vinrent tous à Caën pour recevoir ses ordres et conférer avec luy sur l’état present des affaires. Il les regala magnifiquement, et ce qui rendit encore le