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SUR DU GUESCLIN.

un fauteuil, au milieu de ses courtisans. Aussitôt qu’il fut entré dans sa chambre, Bertrand fléchit le genou devant son souverain, qui, ne le voulant pas souffrir dans cette posture, luy commanda de se relever, et le prenant par la main, luy dit qu’il étoit le bien venu ; qu’il y avoit longtemps qu’il l’attendoit avec impatience, ayant une extreme besoin de sa tête et de son épée, pour repousser les Anglois, qui faisoient d’étranges ravages par tout son royaume et même dans son voisinage, dont on pouvoit voir les tristes effets en montant au clocher de Sainte Geneviefve, devant Paris ; que sçachant sa bravoure, son bonheur et son expérience dans la guerre, il avoit jetté les yeux sur luy pour luy confier le commandement de ses troupes, et que pour luy donner plus de courage à s’en bien aquiter, il avoit résolu de l’honorer de la plus eminente dignité de son royaume, en luy donnant l’épée de connétable.

Bertrand, qui n’étoit pas homme à se laisser éblouïr d’une vaine esperance, prit la liberté de demander au Roy si le seigneur de Fiennes n’étoit pas encore en possession de cette grande charge. Sa Majesté luy répondit que son cousin de Fiennes l’avoit fort bien servy, mais que sa caducité ne luy permettant plus de soutenir les fatigues de ce glorieux et penible employ, il luy avoit rendu l’épée de connétable en luy disant qu’il ne pouroit jamais trouver personne plus capable de luy succeder que Bertrand. Celuy cy fit voir son grand sens et son jugement dans la repartie qu’il fit à son souverain, car quoy qu’il ne doutât pas qu’il n’en pût disposer independamment de tout autre, cependant comme il prévoyoit que