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ANCIENS MÉMOIRES

et que quand un gentilhomme avoit une fois embrassé le party d’un maître, il le devoit soutenir jusqu’au bout, et que s’il en usoit autrement on auroit sujet de le blâmer et de l’accuser même de lâcheté. Le comte se le tint pour dit, et sçachant qu’un tel capitaine luy seroit d’un fort grand secours dans la guerre qu’il avoit à soutenir contre le comte d’Armagnac, il essaya de l’engager à son service, en luy promettant un mulet chargé d’autant d’or qu’il en pouroit porter. Guesclin luy fit connoître qu’ayant des engagemens avec le roy de France, il ne pouvoit pas servir deux maîtres ; mais que ne pouvant pas luy prêter son bras ny son épée, il luy offroit sa mediation pour l’accommoder avec le comte d’Armagnac, et que si ce prince ny vouloit pas entendre il retireroit son frère aîné de son service, et le meneroit en France avec luy pour combattre contre les Anglois. Le comte de Foix fut fort satisfait des honnêtetez de Bertrand, qui se rendit à grandes journées dans le Languedoc, où il assembla dans fort peu de temps sept mille cinq cens hommes, avec lesquels il s’empara de la citadelle de Brendonne, de la ville de Saint Yives et du château de Mansenay, situé sur une eminence fort escarpée. Ces preliminaires rendirent son nom si fameux et si redoutable, que touttes les villes et châteaux qui se rencontroient sur sa route luy venoient apporter leurs clefs, et Bertrand faisoit prêter aux bourgeois le serment de fidelité pour le roy de France. Sa réputation s’étendit si loin sur la nouvelle de ces premiers progrès, que le duc d’Anjou, sur les terres duquel il passa, luy dit qu’en quinze jours seuls il avoit donné plus d’alarmes aux Anglois qu’il ne pou-