Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 5.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
60
ANCIENS MÉMOIRES

mis, qui l’alloient mettre à deux doigts de sa ruïne, s’il ne venoit en diligence rétablir les affaires par sa présence et par son courage. Bertrand avoüa de bonne foy qu’il étoit tout confus de l’honneur que luy faisoit Sa Majesté, d’avoir jetté les yeux sur luy plûtôt que sur un autre pour une expedition de cette importance ; qu’il étoit au desespoir de ce qu’il ne s’étoit pas rendu plûtôt auprés de sa personne ; que c’étoit pour la sixiême fois que ce sage prince luy avoit envoyé du monde pour le solliciter de venir, et que sans des affaires importantes, qu’il avoit fallu consommer auparavant, il auroit obey tout d’abord. Il ajouta qu’il s’étonnoit comment Sa Majesté n’avoit pas fait un bon corps d’armée pour repousser ces étrangers, qui le venoient inquieter jusques dans le centre de ses États. Le maréchal luy répondit que c’étoit l’intention du Roy son maître, qui l’attendoit avec impatience pour le mettre à la tête de touttes ses troupes, et qu’on avoit laissé touttes choses en suspens jusqu’à son arrivée ; que toutte la noblesse et les peuples de ce grand royaume soûpiroient après sa présence, et que même le seigneur de Fiennes, connêtable de France, ne pouvant plus, à cause de son grand âge, soûtenir le poids de cette dignité, vouloit l’abdiquer entre les mains du Roy, luy declarant qu’il ny avoit personne dans tous ses États plus capable de luy succéder dans cette grande charge que Bertrand Du Guesclin ; que toutte la France unanimement jettoit les yeux sur luy pour luy voir porter l’épée de connétable, et la tirer de l’accablement dans laquelle elle étoit.

Guesclin, voyant qu’on rendoit tant de justice à sa