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ANCIENS MÉMOIRES

supplice qu’il avoit fait souffrir à son père, pour joüir de sa mere à coup sûr. Henry luy fit signe de l’executer au plûtôt. Le cavalier luy separa la tête du corps en un moment, en présence de tout le peuple qui se trouva là ; le tronc fut laissé sur la place. L’Espagnol ficha la tête au haut de la hache dont il s’étoit servy pour obeïr à l’ordre d’Henry, qui fit couvrir le corps de son ennemy d’un méchant drap de bougran, et commanda qu’on le pendît à une des tours de ce château de Montiel, qui luy ouvrit ses portes et se rendit à luy dés qu’il sçut que Pierre, pour lequel il tenoit, étoit demeuré prisonnier après sa défaite.

Le supplice de ce prince apostat devoit rendre le calme à Henry et le rétablir sur le trône, n’ayant plus de competiteur qui le luy disputât. On luy conseilla de faire porter la tête de Pierre dans Seville, afin qu’en la montrant à tout le peuple de cette grande ville, il ne doutât plus de sa mort. La chose fut exécutée comme elle avoit été projettée. Les bourgeois voyans cette tête odieuse, qui avoit causé tant de troubles, ne se contentèrent pas de se soumettre à l’obéïssance d’Henry, mais ils s’acharnerent avec tant de rage sur ce pitoyable reste de ce malheureux prince, qu’ils le jetterent dans la rivière, afin qu’ôtant de devant leurs yeux un objet si mal agreable, la memoire en fût abolie pour jamais. Henry ne croyoit pas qu’ils pousseroient si loin la haine qu’ils portoient à son ennemy, dont il vouloit faire voir la tête dans Tolede comme dans Seville, se promettant que les habitans ne balanceroient point à se rendre après ce spectacle, qui feroit la décision de tout et les obligeroit, sur ce pied, à ne plus reconnoître d’autre souverain que luy