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SUR DU GUESCLIN.

chappât, s’offrant de le lier d’une corde s’il en étoit besoin ; mais le Besque le pria de le laisser tout seul avec sa capture, et dont il viendroit bien à bout sans le secours de personne. Le vicomte, indigné de ce que le Besque ne vouloit pas partager avec luy l’honneur de l’avoir pris, luy dit qu’il ne l’avoit pas fait prisonnier de bonne guerre, mais par artifice et par surprise. Le Besque le regardant fierement luy répondit que s’il prétendoit luy en faire un crime et l’accuser de quelque supercherie dans cette prise, il se feroit faire raison l’épée à la main, quand il voudroit, en vuidant tous deux leur differend dans un duel. Le vicomte le radoucit en lui témoignant qu’il ne trouveroit pas son compte à se battre avec luy. Le Besque mena donc cet illustre captif dans la tente d’Alain de la Houssaye qui s’estima fort honoré de ce qu’on l’avoit choisy pour garder un dépôt de cette importance. Il felicita le Besque sur le bonheur qu’il avoit eu de faire une si riche proye, luy disant qu’on alloit souvent à la chasse sans trouver un gibier de cette conséquence, et qu’il avoit bien rencontré coutel pour sa gaine. Vilaines appella sur l’heure un de ses veneurs nommé Gilles du Bois, qu’il envoya tout aussitôt avertir Henry, qu’il avoit dans ses mains le prince apostat qui luy disputoit sa couronne.

La joye que ce messager luy donna fut si grande, que pour le recompenser d’une si agréable nouvelle, il se dépoüilla d’un fort beau manteau qu’il portoit, et le luy mettant dans les mains, il luy dit que ce present qu’il luy faisoit, n’approchoit pas du merite qu’il s’étoit fait auprés de sa personne, en luy annonçant une chose qui l’alloit rendre heureux pendant