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ANCIENS MÉMOIRES

ne pouvoit qu’entrevoir, il le saisit au corps comme il alloit passer la brêche, en lui disant : je ne sçay qui vous êtes, mais vous ne m’echapperez pas. Pierre se mit sur la defensive, et tâcha de luy donner d’un poignard dans le ventre. Mais le Besque en ayant apperçû la lueur, le luy arracha des mains, en jurant que s’il ne se rendoit sur l’heure, il ne le marchanderoit pas, et que, s’il faisoit encore la moindre resistance, il luy passeroit son épée jusqu’aux gardes au travers du corps.

Pierre, se voyant pris, tâcha de fléchir le cœur du Besque, en luy declarant sa misere et son infortune, et luy declinant ingenûment son nom, le pria de luy vouloir sauver la vie, luy promettant de luy donner trois villes, douze châteaux et douze mulets chargés d’or. Un autre, plus interessé que le Besque, se seroit laissé tenter à de si belles offres ; mais touttes ces richesses ne furent point capables d’ébranler sa fidelité. Ce brave general[1] luy répondit qu’il n’étoit point capable de faire une lâcheté semblable, et qu’il le meneroit à Henry. Ce fut alors que, pour s’assurer davantage de sa personne, il le prit par le par de sa robbe. Le vicomte de Roüergue arriva là dessus, et voulut mettre aussi la main sur luy de peur qu’il n’é-

  1. Pierre fut arrêté par Moradaz de Rouville et par Coppin son écuyer. Ils en donnèrent avis au Besque de Vilaines sous la bannière duquel ils servoient.

    « Haa ! gentil Besgue, dist Pietre, je me rens à vous : me convient-il morir, et est mon jour venu où j’ay tant évadé. Sire, qui estes-t vous ? dist le Besgue. Helas ! dist Pietre, je suis le plus méchant qui oncques regnast en ce siecle. Roy Piètre me souloient appeller grans et petiz. Or ne régneray plus au mien cuidier : car bien croy qu’il me fauldra morir en bref temps. Haa ! sire, dist le Besgue…, le vaillant Roy vostre frere aura pitié de vous. » (Menard, p. 371.)