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ANCIENS MÉMOIRES

trand et le Besque faisoient des merveilles, tourna touttes ses forces du côté de Pierre, avec lequel il vouloit éprouver ses forces et mesurer son épée seul à seul, s’il le pouvoit démêler au milieu de ses troupes. Ce prince renégat étoit suivy de beaucoup de chrétiens et de juifs, moitié cavalerie moitié infanterie, monté sur un des meilleurs chevaux de toutte l’Espagne. On voyoit de loin, sur sa cotte d’armes, les lions de Castille arborez avec beaucoup d’éclat. Henry, qui se pretendoit souverain de la même nation, portoit aussi les mêmes armoiries, c’est ce qui fit qu’ils se reconnurent tous deux. La haine qu’ils avoient l’un pour l’autre, causée par la competence du sceptre et par le violent desir de voir cette querelle vuidée par la mort d’un des deux, les obligea de s’attacher l’un à l’autre avec un acharnement égal. Pierre commença par vomir cent injures contre Henry, l’appellant bâtard et faux traître, qui s’étoit revolté contre luy, pour luy ravir son sceptre et sa couronne, et le menaçant qu’il ne sortiroit point de ses mains qu’il ne luy eût ôté la vie et ne luy eut mangé le cœur, ajoutant qu’il étoit le fils de la concubine de son pere Alfonse, et qu’il ne meritoit que la corde. Henry luy répondit qu’il en avoit menty par sa gorge ; que sa mere avoit été femme legitime d’Alfonse, qui l’avoit fiancée par le ministere de l’archevêque de Burgos, et dans la presence des principaux seigneurs de la cour ; qu’il étoit sorty de ce mariage, et que ce prince avoit reconnu la dame sa mere pour sa propre femme durant toutte sa vie ; si bien que c’étoit à tort qu’il voulait décrier sa naissance, à laquelle on ne pouvait pas trouver des taches comme a la sienne.