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SUR DU GUESCLIN.

jours fort maltraitez des Turcs. Ils luy repondirent qu’ils étoient plus acharnez contre eux que jamais, depuis qu’ils avoient entendu dire qu’un Breton, nommé Bertrand, homme fort intrepide et fort expérimenté dans la guerre, avoit juré leur ruine et résolu de les venir attaquer dans le centre de leurs États, aussitôt qu’il auroit mis ordre aux affaires qui troubloient la France et l’Espagne. La dame leur dit qu’elle connoissoit ce Bertrand, et qu’il commandoit les troupes d’Henry devant Tolede, qui ne pouvoit pas encore tenir longtemps, parce que les habitans étoient encore plus aux prises avec la famine qu’avec leurs ennemis, et qu’ils attendoient vainement un secours du roy Pierre, que l’on croyoit avoir été depuis peu noyé dans la mer.

Ces pèlerins la détromperent là dessus en l’assûrant que Pierre étoit encore tout plein de vie ; qu’ils l’avoient veu depuis peu dans la ville de Belmarin, faisant sa cour au roy des sarrazins pour en obtenir du secours contre Henry, qu’il prétendoit faire decamper de devant Tolede ; qu’il avoit si bien reüssy dans touttes les tentatives qu’il avoit faites auprés de ce prince, que non seulement il luy avoit donné la plus belle de ses deux filles en mariage ; mais il luy avoit confié ses plus grands secrets, et promis un gros corps de troupes que son propre fils devoit commander en personne pour faire dénicher de devant Tolede toutte l’armée d’Henry ; que dans quinze jours au plus tard tout ce monde devoit partir pour cette grande expedition. Cette nouvelle étonna beaucoup cette dame, qui prenoit une fort grande part aux intérêts d’Henry, dont elle étoit assez proche parente du côté de la