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ANCIENS MÉMOIRES

dans leur enfance les hommes dont la réputation a rempli le monde. « Il estoit, dit une de ces chroniques, lait enfançonnet, et mal gracieux, et n’estoit plaisant de visage ne de corsage. Car il avoit le visage moult brun, et le nez camus. Et avecques ce estoit de grosse et rude taille le corps, rude aussi en maintieng et en paroles : peu habilité à chose quelconque, et de petit contiennement. Et avecques ce, moult semilleux et ennuyeux, et pour les jeunesces que il faisoit : et continuelment tenoit un bâton. Et pour ce son dessus dit père et sa dite mère le hayoient moult, et souvent désiroient sa mort, etc… » Une autre chronique le présente comme étant rude malostru et de mauvaise jeunesse. Nul maître, dit une chronique en vers,

Nul maistre ne treuva et sachiez sans douter,
Que le beirs[1] Berteran se laissoit doctriner :
Ainçois[2] vouloit son maître et férir et frapper.

Cette même chronique lui fait dire de lui-même, quelques années plus tard :

Jamais je ne serai aimé ne convéis,
Ainçois serai des dames toujours très econduit :
Car bien sçai que je suis bien laid et malfettis,
Mais puis que je suis laid, estre veux bien hardis.

En effet, dès l’année 1342, à l’âge de vingt-un ans environ, il se distingua au siège de Vannes. La comtesse de Montfort avoit essayé de surprendre pendant la nuit les troupes de Charles de Blois, et de secourir la place. Le jeune Du Guesclin, dont le quartier fut d’abord attaqué, réunit à la hâte quelques soldats, et fondit sur les Anglais avec tant de furie

  1. Beirs : comte.
  2. Ançois : aucontraire.