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SUR DU GUESCLIN.

nom des Anglois que l’on vouloit mettre à leur place, les uns en qualité de baillifs, les autres sous celle de prévôts, d’autres comme receveurs, et d’autres comme capitaines, si bien que les Rochelois voyans qu’on n’avoit apporté d’Angleterre que des chaînes pour eux, et que touttes les charges et tous les emplois étoient destinez pour des étrangers, ils n’eurent point de regret d’ouvrir leurs portes aux vainqueurs et de redevenir François, selon la pente qu’a naturellement chaque nation, d’obeïr à un prince qui soit de son pais. Les Espagnols ayant rendu ce service à la France, se retirerent avec leurs prisonniers et leurs dépoüilles au port de Saint André. Quand Yvain de Galles apperçut le comte de Pembroc au milieu des autres prisonniers, il luy fit mille reproches et luy dit mille injures, se plaignant qu’il avoit été le seul auteur de sa disgrace et de son infortune, par les pernicieux conseils qu’il avoit donné au roy d’Angleterre, son maître, contre luy. Il poussa même si loin son ressentiment, qu’il protesta que s’il avoit été son prisonnier, il l’auroit fait mourir avec infamie, pour se venger des outrages qu’il luy avoit faits. Le comte luy declara qu’il n’avoit aucune part à la disgrâce qu’il avoit encourue et dont il se plaignoit, et qu’il avoit grand tort d’insulter à un malheureux qui ne luy avoit jamais fait aucun préjudice, et dont il devoit plûtôt déplorer la condition que luy faire injure. Enfin les Espagnols enchaînerent leurs prisonniers anglois des mêmes chaînes que ceux cy avoient destiné pour les Rochelois, et ne leur rendirent la liberté qu’après leur avoir fait exactement payer leur rançon.