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ANCIENS MÉMOIRES

grin que Bertrand, car outre que les armées qu’il commandoit étoient régulierement bien payées, il le recompensa d’ailleurs de la comté de Ribedieu, dont il luy fit present pour reconnoître les dangers qu’il avoit tant de fois essuyez pour le rétablir sur le trône. Il est vray qu’on ne doit pas accuser Charles le Sage d’avarice, parce qu’il n’envoyoit pas à Guesclin tout l’argent dont il avoit besoin pour soutenir la guerre, c’est que ce bon prince apprehendoit de fouler ses sujets par de nouveaux subsides, et tiroit le moins qu’il pouvoit sur ses peuples. Quand Henry se vit au dessus de ses ennemis et de ses affaires, et maître absolu de toutte l’Espagne, il ne songea plus qu’au secours qu’il avoit promis à la France contre les Anglois. Il fit équiper une flote de vingt deux voiles et remplit ses vaisseaux de beaucoup d’archers et d’arbalêtriers espagnols, qui se promettoient de faire sur mer une grande execution contre ces insulaires et contre ceux de Bordeaux, leurs sujets. En effet, ils se rendirent si redoutables sur l’Océan, que nul bâtiment n’osoit se presenter devant eux, et quand ils rencontroient Flamands, Brabançons, Picards ou Normands, ils les pilloient tous, et ne faisoient point de scrupule de les jetter dans la mer après les avoir mis en chemise. Charles le Sage de son côté mit sur mer auprés d’Harfleur une flote de douze gros vaisseaux, dans lesquels il fit embarquer cinq cens hommes d’armes et trois cens archers, avec ordre d’aller joindre celle d’Espagne. Mais les François ayant été repoussez par les vents ne purent à jour nommé faire le trajet qu’ils avoient medité. Tandis qu’ils étoient sur les mers, ils appperçurent devant eux l’isle de