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SUR DU GUESCLIN.

affaires, mit la main sur l’épaule de Hureau de la Riviere son grand chambellan, qu’il aimoit beaucoup et qui passoit dans toutte la France pour son favory, luy disant : Hureau, nous ne pourrons pas nous defendre d’ouvrir nos coffres et de donner de l’argent à Bertrand, de peur que nous ne venions a perdre un si grand capitaine, et qu’il ne nous échappe. Ce favory luy répondit qu’il étoit de la derniere importance de satisfaire un si grand homme, et que s’il abandonnoit le service, tout son royaume courroit grand risque d’être bientôt conquis par les Anglois ; que luy seul étoit capable de rétablir les affaires, quand même elles seroient sur leur dernier penchant, et qu’enfin l’on ne devoit rien épargner pour le contenter. Le Roy prêta beaucoup l’oreille à cette judicieuse remontrance, et luy promit de profiter de son avis.

Trois jours après Guesclin se rendit à la cour luy dixième, vêtu fort simplement, faisant peu de cas de se mettre sur son propre pour paroître devant son maître, et même affectant de porter par tout des habits fort communs. La Riviere vint au devant de luy pour le disposer à ne point s’écarter du respect quand il parleroit au Roy, craignant que le chagrin dans lequel il étoit, ne luy fît faire quelque écart. Ce fut dans cet esprit qu’il le prévint de mille caresses, luy témoigna qu’il venoit de laisser Sa Majesté dans de fort bonnes intentions de luy donner toutte la satisfaction qu’il pouvoit attendre d’elle. Il le mena donc devant le Roy, qui luy fit un fort bon visage[1]

  1. Lors s’en alerent devers le Roy, qui se seoit au hault dois. Lequel se dreça un peu encontre Bertran, et le prist par la main, en disant :