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SUR DU GUESCLIN.

quoy faire les frais de son voyage qui le rappelloit à Paris, et dans le même temps il luy présenta la depêche du Roy que Bertrand ouvrit et fit lire par son secretaire, parce que, comme nous avons dit, il ne sçavoit pas lire luy même. Elle luy donnoit ordre de licencier ses troupes et de se rendre au plûtôt à Paris pour conferer avec Sa Majesté sur les mesures qu’il y avoit à prendre pour la campagne prochaine. Cette nouvelle desola beaucoup Bertrand, qui, donnant à sa colere touttes ses saillies, s’écria : Grand Dieu ! qu’est-ce que de service de Roy ! se frapant soy-même et se tourmentant comme un enragé, disant que ce prince, s’il luy avoit tenu parole, auroit déjà fait la conquête de toutte la Guienne, et que faute d’ouvrir ses coffres, il courroit risque de tout perdre ; qu’il avoit soutenu la guerre quelque temps à ses propres dépens par la vente de sa vaisselle d’or et d’argent ; et que bien loin d’en recevoir le remboursement, il voyoit bien, selon le train que prenoient les affaires, que les troupes demeureroient sans payement.

Tandis que son indignation luy faisoit lâcher ces paroles, il luy vint un autre courier de la part d’Henry roy d’Espagne, qu’il avoit si bien servy contre Pierre, qui luy presenta les lettres de son maître. La lecture qu’il en fit faire luy donna tout autant de joye que l’autre dépêche luy avoit donné de tristesse. Elles luy apprirent que le roy d’Espagne, pour luy témoigner sa reconnoissance des bons services qu’il luy avoit rendus, luy envoyoit deux mulets chargez d’or, d’argent et de pierreries, l’assûrant qu’il ne perdroit jamais la memoire de tout ce qu’il avoit fait pour le rétablir sur le trône, et que, depuis son départ il avoit