Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/451

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
446
ANCIENS MÉMOIRES

treté, ne se souciant point d’y souffrir toutes les rigueurs de l’hyver, et toutes les chaleurs de l’été, qu’il fit consommer aux assiegez tous leurs vivres, et manger jusqu’à la chair de leurs chevaux. Cependant ils aimèrent mieux essuyer toutes ces extremitez que de jamais parler de se rendre. Il y eut plus de trente mille hommes, tant Juifs que Sarrazins, qui furent emportez par la faim. Ceux qui leur survécurent écrivirent au roy Pierre qu’ils étoient aux abois, et qu’ils n’étoient plus en état de tenir, s’il ne leur envoyoit un fort prompt secours. Ce prince leur manda qu’ils perseverassent toûjours dans la fidelité qu’ils luy avoient gardée, sans rien craindre et sans se relâcher, et qu’il viendroit dans peu fondre sur les assiegeans avec un secours très considerable qu’il alloit tirer des rois de Grenade et de Belmarin. Tandis que le siege se continuoit toûjours avec la derniere vigueur, et qu’on se defendoit de même, Bertrand demeuroit toujours dans les prisons de Bordeaux, au desespoir de ne pouvoir être devant Tolede avec le Besque de Vilaines et les autres.

Il arriva pour lors une conjoncture qui facilita beaucoup sa délivrance. Le prince de Galles ayant un jour fait grand chere avec les premiers seigneurs de sa Cour, et s’étant, au sortir de table, retiré dans sa chambre avec eux, la conversation tomba par hasard sur les batailles qu’ils avoient gagnées, et les prisonniers qu’ils avoient faits. On y parla de saint Louis, qui fut obligé de racheter à prix d’argent sa liberté. Le prince prit occasion de dire que quand une fois on s’est laissé prendre dans un combat, et qu’on s’est mis entre les mains de quelqu’un pour se rendre à luy de