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SUR DU GUESCLIN.

sur luy la conquête en faveur de son frère Henry, qui devoit l’en chasser à son tour, et se faire en suite couronner à Burgos en sa place. Il n’eut pas plûtôt achevé ces paroles que l’abbattement et le desespoir le firent tomber par terre. Le juif essaya de luy remettre l’esprit, et le relevant, il l’assura que quand Henry se seroit rendu maître de Burgos, de Tolede et de Seville la grande, par le secours de Bertrand et des François qu’il commandoit, il ne seroit pas dit pour cela qu’il fut roy d’Espagne, et qu’il auroit encore bien du chemin à faire avant que de prendre les villes dont la fidelité ne luy devoit point être suspecte. Tout ce discours ne fut point capable de consoler Pierre et de le faire sortir de l’alarme dans laquelle il étoit. Il sembloit au contraire que sa terreur en étoit encore augmentée, car il fit serment de ne pas rester davantage en Arragon, de peur que Bertrand ne l’y vint accabler, et donna des ordres fort pressans à ses gens de se tenir prêts pour partir aussitôt. On employa toute la nuit à plier bagage, et dés le lendemain ce prince prit le chemin de Burgos à la pointe du jour.

Il fit tant de diligence qu’il gagna Maguelon, frontière d’Espagne. Cette ville étoit assez forte d’assiette, ayant un bon château dans lequel ou pouvoit se defendre longtemps ; mais la crainte dont Pierre étoit saisy luy donna des aîles pour se rendre à perte d’haleine à Burgos, qui pour lors étoit la capitale de Castille, où l’on avoit accoûtumé de couronner les rois d’Espagne. Deux raisons engagerent Pierre à vouloir établir son séjour et sa résidence dans cette ville ; la premiere, parce que comme il avoit un fort grand