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SUR DU GUESCLIN.

voit pas voir celuy qui le frappoit. Dix chevaliers anglois se détachèrent aussitôt de la foule des spectateurs pour mettre les hola, disans à Bertrand qu’ayant remporté tout l’avantage de cette action, il ne luy seroit pas glorieux de pousser plus loin son ressentiment. Bertrand leur répondit qu’il ne trouvoit pas bon qu’ils entrassent dans une querelle à laquelle ils n’avoient aucune part, et que tout leur discours ne retarderoit point la perte de Thomas de Cantorbie, si le Tortboiteux, son commandant et son gêneral, ne luy donnoit un ordre exprés de mettre bas les armes. Celuy-cy vint aussitôt le prendre par la main pour luy faire cesser le combat, luy disant qu’il s’en devoit tenir à l’avantage qu’il avoit remporté ; le duc de Lancastre, enchérissant encore sur le Tortboiteux, avoüa qu’il ne croyoit pas que jamais Alexandre eût été plus hardy ny plus intrepide que l’étoit Bertrand. Toutes ces loüanges ne le flaterent point assez pour luy faire perdre toute la haine qui luy restoit dans le cœur contre son ennemy, sur lequel il s’acharnoit toujours, quoyque les bourgeois et les officiers se missent entre deux[1] pour luy faire lâcher prise, et ne le vouloit point quitter qu’il ne se rendît son prisonnier, de même qu’il avoit obligé son frère Olivier de s’abandonner à sa discrétion ; mais enfin le Tortboiteux, son commandant, l’ayant assuré que tous ses

  1. Adonc entrerent on champ engloiz, et ceulx de Dinaul, qui se mirent entre deux, pour faire laissier le champ. Mais Bertran leur dist : « Seigneurs, laissiez moy ma bataille achever. Car par la foy que je doy à Dieu, où il se rendra à moy comme mon prisonnier, ainsi comme il a fait faire mon frère, ou je le tueray tout mort. » (Ménard, p. 60.)