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ANCIENS MÉMOIRES

disoit, que chacun se promît un heureux succés de l’avanture de Bertrand. Il y eut même un cavalier qui se déroba de Dinan, pour venir à bride abbattuë faire part de cette nouvelle à Guesclin, se persuadant qu’il s’en feroit un gros mérite auprès de luy, parce qu’elle luy seroit un infaillible préjugé de l’avantage qu’il alloit remporter sur son ennemy ; mais Bertrand ne le voulut presque pas écouter, luy témoignant qu’il attendoit tout de son courage et de la justice de sa cause, et comptoit fort peu sur la prédiction de Tifaine (c’étoit le nom de cette demoiselle sçavante et fameuse dans tout le païs). Un autre messager luy vint donner avis, de la part du gouverneur de la ville et de tous les bourgeois, qu’il se donnât de garde des Anglois, qui en vouloient à sa propre vie, qu’il ne pouvoit mettre à couvert du danger qui la menaçoit qu’en faisant le combat dont il s’agissoit au milieu de Dinan, sous le bon plaisir du duc de Lancastre, qui pouroit s’y rendre luy vingtiême, en cas qu’il voulût en être spectateur, et qu’on le pouroit assurer qu’on luy donneroit de fort bons otages pour sa sûreté. Bertrand leur niantla qu’il étoit trop persuadé de la candeur et de la sincérité du duc de Lancastre pour avoir rien à craindre de sa part, mais que, pour les satisfaire, il alloit proposer à ce prince le party qu’ils luy suggeroient.

Ce fut dans cet esprit qu’il prît la liberté de luy témoigner le désir extreme qu’avoient ceux de Dinan que le champ du combat fut marqué dans le grand marché de leur ville. Le Duc y donna tout aussitôt les mains, et demanda seulement des ôtages pour sa personne et pour tous les seigneurs qui le devoient