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SUR DU GUESCLIN.

auprès de sa personne. Le Duc fut si touché de la courtoisie de Bertrand, qu’il commanda sur l’heure qu’on tirât le plus beau coursier de son écurie, dont il le gratifia fort généreusement. Guesclin, tout transporté de joye, luy dit dans son patois : Sire, Dieu vous gard d’encombrier : car oncques ne trouvay comte, ne prince qui me donnât vaillant un seul denier ; le cheval est bel, si le chevaucheray demain devant vous pour aquiter mon convenant. Aussitôt qu’il fut de retour à Rennes, le gouverneur et les principaux officiers de la garnison vinrent au devant de luy pour apprendre tout le détail de la conférence qu’il venoit d’avoir avec le Duc. Bertrand leur donna toute la satisfaction qu’ils pouvoient attendre de luy là dessus, en leur exposant toutes les honnêtetez qu’il avoit reçuës de ce prince, qui luy avoit fait don du plus beau cheval de son écurie, sur lequel il devoit remonter le lendemain pour combattre corps à corps, en pleine carrière, contre Guillaume de Brambroc, chevalier anglois, dont il n’avoit pas pu refuser le défy qu’il luy avoit fait en présence de ce prince. Cette nouvelle ne fut pas goûtée du gouverneur de Rennes, encore moins des parens de Bertrand, qui tâchèrent, par toutes les raisons les plus spécieuses, de le détourner de cette entreprise, luy représentans le péril qui le menaçoit et le peu d’assurance qu’il y avoit à la parole des Anglois, sur laquelle il ne devoit faire aucun fonds. Bertrand les assura qu’il n’y avoit rien à craindre pour luy, puis qu’il avoit pour garant un prince trop religieux, pour trahir le serment qu’il avoit fait, qu’il n’auroit aucune acception de personne, et qu’il ne permettroit pas que rien s’y passât au préjudice des deux combattans, qui