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lequel trafiquoit de plus de cent mille escus, qui luy eussent esté confisquez, et l’eust-on fait mourir, si je ne l’eusse sauvé, avec beaucoup de difficulté. Mais je reçus cette particuliere faveur, pour les recommandations d’une infinité de marchands françois et italiens, qui me prierent de faire cette requeste au petit roy de Portugal et à son conseil.

Or nous eusmes nouvelles en Portugal que, si les galeres et toute l’armée navale n’estoient ensemble en Escosse dedans vingt jours, l’accord se feroit au Petitlit, comme il fut fait. Lors le grand prieur fit estat de partir aussi-tost que le vent pourroit servir pour sortir les galeres de Lisbonne : et, vingt-trois heures après, firent voile, et eurent bon temps jusques au cap de Fin-de-terre en Espagne. Mais là ayans fait aiguade pour prendre la pleine mer et laisser la coste, afin d’accourcir le chemin, lesdictes galeres n’estoient pas encore trente milles en mer, qu’elles furent agitées d’une horrible tempeste, et en très-grand danger de périr, courans cette fortune jusques aux landes de Bordeaux et près de la tour de Cordouan, sans qu’aucun pilote peust cognoistre ny ciel ny terre, ny le lieu où nous estions prests à nous perdre, sinon un pauvre vieil pilote pescheur qu’avoit pris le capitaine Albise, lequel, de fortune, voyant le peril où nous estions, dit à son capitaine que s’il n’avançoit sa galere pour piloter les autres par le chemin qu’il leur monstreroit, elles estoient toutes perdues, ce qui estoit vray ; et ainsi le capitaine Albise et son pilote, laissans les loix de la mer en telle necessité, se licencierent d’avancer leur galere devant la Reale, laquelle autrement alloit la premiere donner à travers d’infinis ecueils. Ainsi nous echapasmes ce dan-