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plaintes, il suivit un hyver si terrible et violent, qu’il gela toutes les rivières en France, plusieurs bleds et tous les oliviers, noyers, figuiers, lauriers, orangers et autres arbres onctueux, et grande partie du bois des vignes, et par mesme moyen refroidit les esprits et les cœurs des plus querelleurs. De sorte que toutes ces rumeurs de reprendre les armes s’assoupirent pour un temps.

Le Roy et la Reyne estoient, en cette saison, à Carcassonne, assiegez des neiges au mois de janvier. Je fus envoyé devers le duc de Savoye, qui pressoit fort que l’on luy rendist les villes de Piedmont, lesquelles luy et son fils ont enfin si dextrement retirées, qu’ils nous ont ferme le pas des montagnes et de l’Italie.

Ces froidures extresmes furent suivies de grandes pestilences en la pluspart des provinces de France, ce qui retenoit les huguenots de prendre les armes. Mais enfin, l’entrevue d’Elisabeth, sœur du Roy et reyne d’Espagne, à Bayonne, accompagnée du duc d’Alve et de plusieurs grands seigneurs d’Espagne, les grandes allegresses et magnificences qui s’y firent, et les affaires qui s’y traiterent l’esté subsequent, mirent les huguenots en merveilleuse jalousie et deffiance que la feste se faisoit à leurs despens, pour l’opinion qu’ils avoient d’une estroicte ligue des princes catholiques contre eux. Ce qui leur bailla occasion de remuer toutes pierres, et mettre tout bois en œuvre, pour en bastir une contraire, tant avec la reyne d’Angleterre, les princes huguenots d’Allemagne, Geneve, qu’es pays-Ras, leurs alliez et confederez en la religion pretendue reformée, et d’inciter tous ceux de leur party en France à prendre l’allarme et ouvrir les yeux à cette