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Cour pour le faire chef des catholiques, que c’estoit chose qui n’avoit point esté approuvée, encore que Rigneroles, pour lors escuyer dudict duc de Nemours, eust esté prisonnier pour ce sujet, la Reyne n’oubliant aucunes raisons pour persuader au prince de Condé qu’il ne se devoit embarquer legerement au dessein de se faire chef des protestans. En quoy il sembloit à quelques-uns qu’elle voulust favoriser son party ; mais il est croyable que, comme sage et prudente princesse, elle recherchoit par tous les moyens qui luy estoient possibles la conservation du Roy, de ses frères, et de l’Estat, craignant sur toutes choses la touche des guerres civiles. En ce mesme temps quelques-uns en la ville de Sens, qui retournoient du presche, par l’insolence du mal qui alloit toujours croissant, furent tuez, et y eut quelques maisons pillées par des soldats et autres gens armez en ladicte ville. De sorte que Fondisoit que le fait de Vassy[1] n’estoit rien au regard de celuy-là de Sens, dont les protestans vouloient imputer la faute au cardinal de Lorraine, qui en estoit pour lors archevesque. Le prince de Condé se plaignoit grandement à la Reyne de cet accident, l’appellant massacre et grande cruauté ; à quoy la Reyne se trouvoit bien empeschée de pouvoir satisfaire, et réparer le mal advenu : et lors ledict prince de Condé, entièrement résolu de ne se départir de la foy et promesse qu’il avoit donnée aux protestans, de vivre et mourir avec eux, dit qu’il ne falloit plus rien espérer que de

  1. On disait que le fait de Vassy. Il est à remarquer que le prince de Condé, dans tous ses manifestes, ne dit pas un mot du tumulte de Sens : il n’en parle que dans une lettre qu’il écrivit à la Reine mère le 19 avril 1562.