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Les protestans lors commencèrent à se ressentir des poursuites faites contr’eux ; car, outre la faveur qu’ils esperoient du roy de Navarre et du prince son frère, ils avoient espérance que le chancelier de L’Hospital, qui avoit succède à cette charge par la mort du chancelier Olivier, favoriseroit leur party. Ce qu’il fit cognoistre en la harangue[1] qu’il fit à l’ouverture des estats d’Orléans ; où ayant touché en general et en particulier toutes les calamitez publiques, il parla fort contre les abus qui se commettoient en tous estats, et principalement en l’ecclésiastique, ce qui avoit donné occasion aux protestans de vouloir introduire une nou-

  1. En la harangue. Ce discours nous a été conservé par le président de La Place, et par La Popelinière. Il offre le défaut des écrits de ce temps, où l'on mêloit trop d'érudition aux discussions politiques ; mais il renferme des observations très-remarquables. « Il n’y a, dit L’Hospital, opinion qui s’imprime plus profondément dans le cœur des hommes que l’opinion de religion, ni qui tant les sépare les uns des autres. Nous l’expérimentons aujourd’huy, et voyons que deux François et Anglois qui sont d’une mesme religion, ont plus d’affection et d’amitié entre eux que deux citoyens d’une mesme ville, subjects à un mesme seigneur, qui seroient de diverses religions, tellement que la conjonction de religion passe celle qui est à cause du pays, et, par contraire, la division de religion est plus grande que nulle autre ; c’est ce qui sépare le père du fils, le frère du frère, le mari de la femme. » L’Hospital ne voit de remède que dans un concile national ; il prend l’engagement que le Roy et la Reyne ne négligeront rien pour le procurer. Jusque-là, il demande qu’on vive en paix. « La douceur, dit-il, profitera plus que la rigueur ; ostons ces mots diaboliques, noms de factions et de séditions : luthériens, huguenots, papistes ; ne changeons le nom de chrestiens. » Le chancelier déclare qu’une armée levée contre les séditieux épuiseroit l’État : il autorise, au nom du Roi, les bourgeois des villes à s’armer et à maintenir l’ordre dans leur arrondissement. En général les maximes qui dominent dans ce discours sont saines et justes ; mais la suite a prouvé qu’elles étoient peu applicables aux circonstances.