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que de les attirer et nourrir en son royaume, conservoit par ce moyen ses sujets en fort grand repos ; et si elle a esté taxée d’avarice, c’est à tort, pour n’avoir pas fait de grandes libéralitéz, lesquelles apportent non seulement de l’envie à ceux à qui elles sont conférées quand il y a de l’excès, mais aussi bien souvent du blasme à ceux qui les exercent sans raison, si le don n’est charitable ou nécessaire.

Ladicte Reyne ayant entièrement acquité toutes les debtes de ses prédécesseurs, et donné si bon ordre à ses finances, qu’il n’y a aucun prince de son temps qui ait amassé tant de richesses si justement acquises comme elle a fait, sans imposer aucun nouveau tribut ou subside, qui est une raison suffisante pour monstrer que l’avarice ne l’a point commandée, comme on luy en a voulu donner le blasme ; aussi a-t-elle esté huict ans sans demander l’octroy et don gratuit que l’Angleterre a de coustume de faire de trois en trois ans à son Roy : et, qui plus est, l’an 1570, ses sujets le luy ayant offert sans le demander, elle, non seulement les remercia sans en vouloir rien prendre, mais aussi les asseura qu’elle ne leveroit jamais un escu sur eux que pour entretenir l’Estat, ou lorsque la nécessité le requerroit. Ce seul acte mérite beaucoup de louange, et luy peut apporter le nom de bien libérale.

Davantage, elle n’a point vendu ny tiré d’argent des offices de son royaume, que la pluspart des princes mettent au plus offrant, chose qui corrompt ordinairement la justice, la police, et toutes loix divines et humaines. Et outre ce qu’elle a maintenu ses sujets en paix et en repos, elle a fait faire un grand nombre de vaisseaux, qui sont les forteresses, bastions et rem-