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EXTRAITS


Le roi de France fut embarqué sur le Nil dans un bateau de guerre ; il étoit escorté d’un nombre infini de barques égyptiennes, qui le conduisoient en triomphe ; les tambours et les timbales se faisoient entendre. L’armée égyptienne étoit sur la rive occidentale de ce fleuve, et marchoit à mesure que la flotte avançoit ; les prisonniers suivoient l’armée, les mains liées avec des cordes ; les Arabes étoient sur la rive orientale du Nil ; la joie éclatoit sur tous les visages, et chacun se félicitoit d’un événement aussi heureux.

Saad-Eddin rapporte dans son histoire, que si le roi de France eût voulu il se seroit sauvé, soit à cheval, soit dans un bateau ; mais ce prince n’abandonna jamais ses troupes, et il ne cessoit de les animer au combat. L’on fit vingt mille prisonniers, parmi lesquels il y avoit des princes et des comtes, et il y eut sept mille hommes de tués. Le même historien dit qu’il se transporta sur le champ de bataille, qui étoit tout couvert de corps morts : ce qu’il y eut de plus extraordinaire, c’est qu’il ne périt pas plus de cent Musulmans.

Le Sultan envoya aux princes et aux comtes qui avoient été pris, des habits au nombre de cinquante ; tous s’en revêtirent, le Roi seul dédaigna[1] de se soumettre à cet usage ; il dit fièrement qu’il étoit souverain d’un royaume aussi vaste que l’Égypte, et qu’il étoit indigne de lui de se revêtir de l’habit d’un autre roi. Le Sultan fit préparer un grand repas et le fit prier de s’y trouver ; mais le Roi fut également inflexible ; il

  1. Dédaigna. L’usage de distribuer des habits subsiste encore aujourd’hui dans l’Orient. Saint Louis avoit d’autant plus de raison de ne point se soumettre à ce cérémonial, qu’il ne se pratique jamais que du supérieur à l’inférieur.