Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.
86
TABLEAU

même temps il écrivit aux électeurs de choisir un autre chef.

L’Empereur étoit alors à Turin. On peut se figurer l’effet que produisit sur lui cet acte d’un concile général auquel précédemment il en avoit appelé contre les emportemens de Grégoire IX. La violence de son caractère ne connut plus de bornes ; et cet esprit superbe, que la douceur auroit peut-être ramené, fut entièrement aliéné quand il sentit que la force pouvoit seule le tirer du danger où il se trouvoit. Lorsqu’il reçut le décret du concile, il s’écria : « Le Pape m’a déposé : d’où lui vient cette audace ? Qu’on m’apporte mes cassettes. » Il les ouvre. « Voyez, dit-il, si mes couronnes sont perdues. » Il en met une sur sa tête. « Je possède encore, continue-t-il, ma couronne impériale : le Pape et le concile ne me l’ôteront pas avant qu’il y ait bien du sang répandu. Au reste, observa-t-il, ma condition devient meilleure ; j’étois obligé d’obéir au Pape en quelque chose, ou du moins de le respecter : maintenant je ne lui dois plus rien. »

La fureur de Frédéric ne l’empêcha pas de prendre d’abord les mesures que la prudence lui conseilloit. Il se pressa d’envoyer près de Louis son chancelier Pierre Desvignes, chargé de le prier d’être médiateur, arbitre, et de faire la paix à quelque prix que ce fût. Le Roi désapprouvoit la conduite précipitée du Pape, et craignoit que la prolongation de cette querelle ne nuisît au succès de la croisade. Il eut une entrevue avec lui dans l’abbaye de Cluny vers la fin de novembre 1245, et rien ne perça des conférences,