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DU RÈGNE DE SAINT LOUIS.

voient coupables. Les empereurs et les rois ne rejetoient pas le principe : ils ne différoient avec les papes que sur l’application.

Mais cette doctrine n’auroit pu s’établir et durer plusieurs siècles, si les besoins des peuples et leur situation politique ne leur eussent en quelque sorte imposé la nécessité de l’adopter.

En s’élevant à des considérations plus importantes que des déclamations rebattues, on voit que cette puissance temporelle des papes, quoique illégitime d’après nos idées actuelles, a sauvé la société dans des temps où tout sembloit tendre à la dissoudre. Les guerres particulières, les duels judiciaires, l’idée généralement répandue parmi les grands que l’unique droit étoit la force, rendoient indispensable une autorité qui pouvoit seule apporter quelque remède aux maux dont les États étoient dévorés. Au milieu d’une anarchie sanglante, l’Église prescrivoit des trèves, et substituoit ses tribunaux paisibles aux tribunaux laïques, où la cause de l’innocence opprimée étoit abandonnée au sort des armes. Dans le monde chrétien, les papes étoient, par leur position, le lien de tous les princes ; leur médiation empêchoit souvent la ruine entière de ceux qui se trouvoient les moins forts ; ils avoient intérêt à maintenir dans l’Europe une balance de pouvoir qui pût contenir les ambitieux et protéger les foibles : enfin s’ils n’ont quelquefois que trop abusé de cet ascendant que les préjugés leur donnoient, on ne peut du moins s’empêcher de faire valoir en leur faveur l’opinion d’un célèbre philosophe moderne[1],

  1. Hume.