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histoire

souffrir mal, et dommaige à mon royaume : et davantaige encourir l’ire de Dieu, qui dit que benoist soit celui qui s’efforce de mectre union et concorde entre les discordans.» Et saichez que pour le bien que les Bourgoignons et les Lorrains veoient en la personne du Roy, et pour la grant paine qu’il avoit prinse à les mectre à union, ilz l’amoient tant et l’obeïssoient, qu’ilz furent tous contens de venir plaidoier devant lui des discords qu’ilz avoient les ungs vers les autres. Et les y vy venir plusieurs foiz à Paris, à Reims, à Melun et ailleurs, là où le Roy estoit.

Le bon Roy ayma tant Dieu et sa benoiste mere, que tous ceulx qu’il povoit actaindre[1] d’avoir fait aucun villain serement, ou dit quelque autre villaine chose et deshonneste, il les faisoit griefvement pugnir. Et vis une foiz, à Cesaire oultre mer, qu’il fist eschaller[2] ung orfevre en braies et chemise moult villainement à grant deshonneur. Et aussi ouy dire, que depuis qu’il fut retourné d’oultre mer, durant que j’étois à Jonville allé, qu’il avoit fait brusler et mercher[3] à fer chault le neys et la baulievre[4] d’un bourgeois de Paris, pour ung blapheme qu’il avoit fait. Et ouy dire au bon Roy, de sa propre bouche, qu’il eust voulu avoir esté seigné d’un fer tout chault, et il eust peu tant faire, qu’il eust ouste tous les blaphemes et juremens de son royaume.

En sa compaignie ay-je bien esté par l’espace de vingt-deux ans. Mais oncques en ma vie, pour quelque courroux qu’il eust, ne lui ouy jurer ne blaphemer

  1. Actaindre : convaincre.
  2. Eschaller : monter à l’échelle, au pilori.
  3. Mercher : marquer.
  4. La baulievre : le menton.