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histoire

loing, qui estions en la nef du Roy, qui venions aprés bien à demie lieuë loing de la nef, dont il estoit cheut. Et cuidions que ce fust quelque chose qui fust en la mer. Car celui escuier ne se mouvoit ne ne s’aydoit en aucune façon. Et quant nous l’eusmes apperceu de prés, l’une des nefz du Roy le recuillit, et le misdrent en nostre nef. Et quant il fut dedans entré, il nous compta comment il estoit cheut. Et nous lui demandasmes pourquoy c’estoit qu’il ne se aidoit autrement, ou à nager, ou s’escrier aux gens de la nef. Et il nous dist qu’il n’avoit nul hesoing de le faire. Car en cheant il s’estoit escrié, « Nostre-Dame de Valbert ; » et qu’elle le soustenoit par les espaulles, jusques à tant que la gallée du Roy fust arrivée à lui. Et en l’onneur de la benoiste vierge Marie de ce merveilleux miracle, j’ay fait paindre en ma chappelle à Jonville ledit miracle, et és verrines de l’église de Blecourt, pour memoire.

A la fin de dix sepmaines que nous eusmes esté en mer à nager, arrivasmes au port d’Yeres, devant le chastel qui estoit au conte de Prouvence, qui fut depuis roy de Sicile. Et la Royne et tout le conseil du Roy lui conseillerent qu’il descendist là, et qu’il estoit en la terre de son frere. Mais le Roy dist qu’il ne descendroit pas, tant qu’il fust en Aiguemortes, qui estoit sa terre. Et sur ce differant nous tint le Roy le mecredi et le jeudi, sans que nul le peust faire accorder à soy descendre. Et le vendredi, comme le Roy estoit assis sur ung des rancs de la nef, il me appella, et me demanda conseil s’il se devoit descendre, ou non. Et je lui dis :