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de saint loys.

je congneusse en la sainte Terre. Toutesfoix ne oza-il demourer, et se descendit en l’isle. Et advint que lui, qui estoit ung grant et notable parsonnage, et moult riche d’avoir, il eut tant de empeschemens et destourbiers[1], qu’il fut plus d’un an et demy avant qu’il s’en peust revenir devers le Roy. Or entendez donc que eussent peu faire tant de petiz parsonnages qui n’eussent eu dequoy paier ne finer aux trehuz[2], veu que si grant richomme y avoit eu tant de destourbier ?

Aprés que Dieu nous eut eschappez de ce peril, où nous avions ainsi esté devant l’isle de Chippre, nous entrasmes en ung autre. Car il se leva ung si terrible et merveilleux vent en mer, que à force, et malgré nous, il nous regectoit tousjours sur l’isle de Chippre, que nous avions jà passée. Et gecterent les mariniers quatre de leurs encres en mer. Mais onques ne sceurent arrester nostre nef, jusques ad ce que la cinquiesme encre y fut gectée. Et saichez qu’il convint abatre les apparoiz[3] de la chambre où se tenoit le Roy. Et estoit tel le vent que onques n’y oza demourer en celle chambre personne, de paeur que le vent ne le gectast en mer. La Royne tantoust s’en vint en la chambre du Roy, là où elle le cuidoit trouver ; et n’y trouva que messire Gilles le Brun connestable de France, et moy, qui estions là couschez. Et quant je la vy, je lui demanday qu’elle vouloit. Et elle nous dist qu’elle demandoit le Roy, pour lui prier qu’il voulsist faire quelques veuz à Dieu ou à ses saints, affin que nous peusson estre

  1. Destourbiers : embarras.
  2. Ne finer aux trehuz : ni acquitter les tributs.
  3. Apparoiz : les meubles.