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histoire

cerent de naviger de grant force, et allasmes aborder sur une queuë de sable qui estoit en mer. Et si par adventure nous ne nous fusson assablez, nous fussions aller hurter à de grans rochiers qui estoient illecques prés couvers, et fussion tous perillez[1] et noyez. Et encores fusmes-nous à grant meschief là ou nous estion aterrez ; car chacun cuida estre noyé et perdu, et que la gallée se fendist. Ung marinier gecta sa plombée en mer, et trouva que la nef n’estoit plus aterrée. Lors chacun commença à se resjouir, et rendre graces à Dieu. Et y en avoit plusieurs devant le corps Nostre Seigneur, qui estoit en la nef, tous adans[2], et crians pardon à Dieu ; car chacun se actendoit de noier. Et tantoust qu’il fut jour, nous vismes les rochiers ausquelz nous eusson hurté, si n’eust esté la fortune de la greve de sable. Et au matin le Roy envoia querir les maistres mariniers des nefz, qui amenerent avecques eulx quatre plungeons, gens qui vont à nou[3] au fond de l’eauë comme poissons. Et lesquels quatre plungeons les maistres mariniers firent descendre au fond de la mer à celui endroit. Lesquelz plungeons se gecterent en mer, et passerent par dessoubz la nef où estoit le Roy, et nous autres. Et quant ilz furent venuz sus l’eauë, on les ouyt tous quatre l’un à par soy, pour savoir qu’ilz avoient trouvé. Mais chacun d’eulx rapporta que, au lieu où avoit hurté nostre nef, le sable avoit bien emporté trois toises du tison[4] sur quoy estoit la nef fondée. Et quant on les eut ouiz ainsi rapporter l’un comme l’autre, le Roy et tous nous autres fusmes bien es-

  1. Perillez : tombés en grand péril.
  2. Adans : adorant, prosternés.
  3. A nou : en nageant.
  4. Du tison : de la quille.