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histoire

pour ce qu’ilz avoient ouy dire de moy que j’estois le prouche du Roy, que je leur voulsisse monstrer le bon roy Loys, par ung trucheman latin qu’ilz avoient. Et lors m’en allay devers le Roy, et lui dis que une grant tourbe de gens de la grant Hermenie[1], qui alloient en Jerusalem, le vouloient veoir. Et il se print à rire, et me dist que je les fisse venir devant lui. Et tantoust lui amené celui peuple, qui le virent moult voulentiers, et lui firent moult grant honneur. Et puis quant ilz l’eurent veu, le commanderent à Dieu, et il eulx aussi.

Le landemain le Roy et son ost se partit, et alasmes loger en ung lieu que on appelloit Passe-Poulain, là où il y avoit de moult belles eauës de fontaines, dequoy on arrouse ou païs les cannes dont vient le sucre. Et quant je fu logié, l’un de mes chevaliers me dist : « Sire, or vous ay-je logié beaucoup mieulx que n’estiez yer devant saint Sur.» Et l’autre de mes chevaliers, qui m’avoit logié celui jour devant, lui va dire : « Vous estes trop fol hardy, quant à Monseigneur vous allez blasmer chose que j’ay faite.» Et quant il eut ce dit, il saillit sur le chevalier, et le print par les cheveux. Et quant j’apperceu l’outrecuidance d’icelui chevalier, qui devant moy avoit prins aux cheveux l’autre mien chevalier, je lui allay courir sus, et lui donnay ung coup de poing entre les espaulles ; et il lessa lors le chevalier qu’il tenoit aux cheveux. Et je lui dis qu’il sortist hors de mon logis ; et que jamais, ainsi m’aist Dieux, il ne seroit de ma maison. Adonc s’en alla dehors celui chevalier, à grant deul menant. Et s’en alla vers messire

  1. Grant Hermenie : grande Arménie.