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de saint loys.

ne vouloit telle chose souffrir, qu’il perdroit son cheval, ses armuies et harnois, et qu’il seroit dechassé et fourbany[1] de l’ost du Roy. Le chevalier esleut[2], qu’il ayma mieulx perdre son cheval et armeures, et s’en partir de l’ost. Quant je viz que le cheval fut confisqué au Roy, je le lui requis pour ung de mes chevaliers pouvre gentilhomme. Mais le Roy me respondit que ma requeste n’estoit pas raisonnable, pour ce que le cheval valloit bien de quatre-vingtz à cent livres, qui n’estoit pas petite somme. Et je lui dis : « Sire, vous avez rompu les convenances d’entre vous et moy, quant vous vous courroussez de ce que je vous ay requis.» Et le Roy se print à rire, et me dist : « Sire de Jonville, vous direz quant que vous vouldrez : mais non pourtant si ne m’en courrousseray-je jà plustoust.» Et toutesfoiz je n’eu point le cheval pour le pouvre gentilhomme.

La seconde justice que je vy fut de aucuns de mes chevaliers qui par ung jour allèrent à la chasse chasser à une beste qu’on appelle gazel, qui est comme ung chevreul. Et les frères de l’Ospital allèrent à l’encontre de mes chevaliers, et se combâtirent à eulx, tellement qu’ilz firent grans oultraiges aux chevaliers. Pour lequel oultrage je me allay plaindre au maistre de l’Ospital, et menay avec moy les chevaliers qui avoient esté oultragez. Et quant le maistre eut ouye ma complainte, il me promist de m’en faire la raison selon le droit et usaige de la sainte Terre, qui estoit tel : qu’il feroit menger les frères, qui avoient fait l’outrage, sur leurs manteaux ; et ceulx, à qui l’outrage

  1. Fourbany : exilé, proscrit.
  2. Esleut : choisit.