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de saint loys.

conte de Poitiers. Et avant que parachever ledit paiement, aucuns conseilloient au Roy qu’il ne fist du tout paier les Sarrazins plustost qu’ilz lui eussent délivré le corps de son frere. Mais il disoit, puis qu’il leur avoit promis, qu’il leur bailleroit tous leurs deniers avant que partir du fleuve. Et sur ces paroles messire Plielippes de Montfort dist au Roy qu’on avoit mescompté les Sarrazins d’une ballance qui valoit dix mil livres. Dont le Roy se corrouça asprement, et commanda audit messire Phelippes de Montfort, sur la foy qu’il lui devoit comme son homme de foy, qu’il fist paier lesditz dix mil livres aux Sarrazins, s’ils n’estoient paiez. Et disoit le Roy que jà ne partiroit jusques ad ce qu’il eust paié tous les deux cens mil livres. Moult de gens voians que le Roy estoit tousjours en dangier des Sarrazins, lui prioient souvent qu’il se voulsist retirer en une gallée qui l’attendoit sur mer, pour fuir des mains des Sarrazins. Et firent tant qu’ilz le firent retirer. Et lui-mesme disoit qu’il pensoit avoir bien acquité son serement. Et adonc commenczasmes à naviger sur mer, et alasmes bien une grant lieuë de mer, sans povoir riens dire l’un à l’autre du mesaise que nous avions d’avoir lessé le conte de Poitiers en la prinson.

Et ne tarda guères que veez-cy messire Phelippes de Montfort qui estoit demouré à faire le paiement desdiz dix mil livres, lequel s’escria au Roy : « Sire, Sire, attendez vostre frère le conte de Poitiers, qui s’en va à vous en celle autre gallée. » Et le Roy commença à dire à ses gens qui là estoient : « Alume, alume[1]. » Et tantoust y eut

  1. Alume, alume : allumez les flambeaux.
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