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histoire

requismes que l’on nous mist à terre. Mais on ne le voulut pas faire jusques à ce que nous eussions mengé. Et disoient les Sarrazins que ce seroit honte aux admiraulx de nous laisser sortir de leurs prinsons tous jugns. Et tantoust nous firent venir de l’ost de la viande à menger, c’est assavoir des bignetz de fromage, qui estoient roustiz au souleil, affin que les vers n’y cuillissent[1], et des œufz durs cuitz de quatre ou cinq jours. Et pour l’onneur de noz personnes, ilz les nous avoient fait paindre par dehors de diverses couleurs.

Et après que nous eusmes repeu, on nous mist à terre. Et nous en allasmes devers le Roy, que les Sarrazins amenoient du pavillon, où ilz l’avoient tenu, vers le fleuve. Et y avoit bien vingt mil Sarrazins à pié après le Roy, leurs espées ceintes. Et advint que ou fleuve devant le Roy se trouva une gallée de Genevois[2], en laquelle il ne apparessoit que ung foul : lequel, quant il vit que le Roy fut audroit de leur gallée, il commença à siffler. Et tantoust veez-cy sortir de la soulte de leur gallée bien quatre-vingtz arbalestriers bien equippez, leurs arbalestres tenduës, et le trect dessus. Et si toust que les Sarrazins les eurent apperceuz, ilz commancèrent à fuir comme brebis qui sont esbahies, ne onques avecques le Roy n’en demoura que deux ou trois. Les Genevois gectèrent une planche à terre, et recuillirent le Roy, le conte d’Anjou son frère, qui depuis a esté roy de Sicille, monseigneur Geffroy de Sergines, et messire Phelippe de Nemours, et le mareschal de France,

  1. Cuillissent : engendrassent.
  2. Genevois : Génois.