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de saint loys.

l’œil. Et en monstroit celui admiral le commandement par escript en ung livre qu’il tenoit en sa main. « Mais, faisoit-il, or escoutez, Seigneurs, l’autre commandement.» Et tournoit adonc le fueillet du livre, et leur disoit que Mahommet commande, que en l’asseurance de sa foy on devoit tuer l’ennemy de la loy. Et puis disoit, pour revenir à son entente : « Or regardez le mal que nous avons fait, d’avoir tué nostre Souldan, contre les commandemens de Mahommet : et encores le grant mal que nous ferions si nous laissons aller le Roy, et que ne le tuon ; quelque asseurance qu’il ait de nous. Car c’est le plus grant ennemy de la loy des Paiens.» Et à ces motz, à peu prés[1] que nostre mort ne fut accordée. Et de ce advint que l’un d’iceulx admiraulx qui nous estoit contraire, cuidant qu’on nous deust tous faire mourir, vint sur la rive du fleuve, et commença à crier en sarrazinois à ceulx qui nous conduisoient és gallées ; et, o la toaillolle[2] qu’il osta de sa teste, leur faisoit ung signe, disant qu’ilz nous remenassent vers Rabilonne. Et de fait fusmes desancrez et remenez arrière vers Babilonne bien une grant lieuë. Dont de ce fut mené par entre nous ung très-grant dueil, et maintes larmes en yssirent[3] des yeulx ; car nous espérions[4] tous qu’on nous deust faire mourir.

Ainsi comme Dieu voulut, qui jamés n’oublie ses serviteurs, il fut accordé environ le souleil couschant, entre les admiraulx, que nous serions délivrez ; et nous fist-on revenir vers Damiete. Et furent mises nos quatre gallées prés du rivage du fleuve. Adonc

  1. A peu prés : il s’en fallut peu.
  2. O la toaillolle : avec le turban.
  3. Yssirent : sortirent.
  4. Esperions : appréhendions.