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TABLEAU

sentimens, les mêmes principes et les mêmes projets. Blanche ne quittoit presque jamais le Roi : habituée aux fatigues, elle le suivoit à la guerre et dans ses voyages ; elle ne se séparoit de lui que lorsqu’il la chargeoit de gouverner en son absence.

À la mort de Louis VIII, elle étoit âgée de quarante ans : mais sa beauté calme et parfaite, animée cependant par un esprit supérieur et plein d’agrément, étoit encore plus séduisante que dans sa première jeunesse. La passion que le comte de Champagne nourrissoit pour elle avoit éclaté en diverses occasions : un regard, un mot avoient suffi pour la réprimer. La manière dont elle composa son ministère fit naître dans le cœur de ce prince une jalousie aussi folle que son amour.

Elle donna les sceaux à Guérin, vice-chancelier de Philippe-Auguste, nommé chancelier par Louis VIII, chevalier de l’ordre de l’Hôpital, évêque de Senlis, vieillard plein d’expérience dans le gouvernement, magistrat aussi intègre que savant. Le connétable Matthieu de Montmorency, déjà couvert de gloire sous les règnes de Philippe-Auguste et de Louis VIII, eut la direction des affaires militaires et le commandement suprême de l’armée. Romain, cardinal de Saint-Ange, partagea la confiance de Blanche avec ces deux grands hommes : il étoit plus jeune et moins austère que le chancelier ; et son état, sa piété, la pureté de ses mœurs, n’empêchèrent pas le comte de Champagne de concevoir les soupçons les plus extraordinaires. Indigné de ce qu’on l’accusoit d’avoir fait empoisonner le Roi, plus épris que jamais de la Reine devenue libre, consumé par la jalousie, en