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n’eust esté messire Henry de Cone, qui estoit en l'ost du duc de Bourgoigne, sage chevalier et prompt, qui congnoissoit bien la bataille de monseigneur de Brançon estre trop feble. Et toutes les foiz qu’il veoit les Turcs courir sus audit seigneur de Brançon, il faisoit tirer les arbalestriers du Roy contre les Turcs. Et fist tant que le sire de Brançon eschappa de tel meschief celle journée, et perdit, de vingt chevaliers qu’on disoit qu’il avoit, les douze, sans ses autres gensd’armes. Et lui mesme en la par fin, des grans coups qu’il eut, mourut de celle journée au service de Dieu, qui bien l’en a guerdonné[1], ce devons croire. Icelui seigneur estoit mon oncle ; et lui ouy dire à sa mort qu’il avoit esté en son temps en trente six batailles et journées de guerres, desquelles souventesfoiz il avoit emporté le pris d’armes ; et d’aucunes ay-je bien congnoissance. Car une foiz, lui estant en l’ost du conte de Mascon qui estoit son cousin, il s’en vint à moy et à ung mien frere le jour d’un vendredi saint en caresme, et nous dist : « Mes nepveux, venez moy aider à toute vostre gent à courir sus aux Allemans, qui abatent et rompent le monstier de Mascon. » Et tantoust sur piedz fusmes prestz, et allasmes courir contre lesdiz Allemans ; et à grans coups et pointes d’espées les chassasmes du monstier, et plusieurs en furent tuez et navrez. Et quant ce fut fait, le bon preudom s’agenoulla devant l’autel, et cria à haulte voix à Nostre Seigneur, lui priant qu’il lui pleust avoir pitié et mercy de son ame, et qu’il mourust une foiz pour lui, et en son service ; ad ce que en la fin il lui donnast son

  1. Guerdonné : récompensé.