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arrengées comme je vous ay dit, il fist renger et mettre à part illec joignant tout le povoir[1] du souldan de Babiloine, pour les secourir et aider si besoing en estoit. Quant celui chevetaine des Sarrazins eut ainsi ordonné ses batailles, il venoit lui-mesme tout seul sur ung petit rousin vers nostre ost, pour veoir et aviser les ordonnances et departement des batailles du Roy. Et selon qu’il congnoissoit que noz batailles et armées estoient en endroits les plus grosses et plus fortes, il renforçoit de ses gens ses batailles contre les nostres. Aprés ce, il fist passer bien trois mil Beduns, desquelz j’ai devant parlé de leurs natures et personnages par devers l’ost que le duc de Bourgoigne gardoit à part, qui estoit entre les deux fleuves. Et ce fist-il cuidant que le Roy eust partie de ses gensd’armes en l’ost du duc, et que l’armée du Roy, qui estoit avec lui, en fust plus feble, et que les Beduns garderoient que n’eussions secour du duc de Bourgoigne.

En ces choses icy faire et apprester mist le chevetaine des Sarrazins jusques environ l’eure de midy. Et ce fait, il fist sonner leurs naquaires et tabours tres-impetueusement, à la mode des Turcs : qui estoit moult estrange chose à ouïr à qui ne l’avoit acoustumé. Et se commancerent à esmouvoir de toutes pars à pié et à cheval. Et vous diray tout premier de la bataille du conte d’Anjou, qui fut le premier assailly, parce qu’il leurs estoit le plus prouche du cousté de devers Babilonne. Et vindrent à lui en façon de jeu d’eschetz. Car leurs gens à pié venoient courant sus à ses gens, et les brusloient de feu gre-

  1. Tout le povoir : toute l'armée, toutes les forces.