Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/253

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

courir aprés ces villains, se railloit avecques moy, et me disoit : « Senneschal, lessons crier et braire ceste quenaille. Et par la creffe Dieu, ainsi qu’il juroit, encores parlerons nous vous et moy de ceste journée en chambre devant les dames ».

Advint que sur le soir environ le souleil couschant le connestable messire Himbert de Beaujeu nous amena les arbalestriers du Roy à pié, et se arrengerent devant. Et nous autres de cheval descendismes à pié en l’ombre des arbalestriers. Et ce voians les Sarrazins qui là estoient incontinant s’enfuirent, et nous laisserent en paix. Et lors me dist le connestable que nous avions bien fait d’avoir ainsi bien gardé le poncel ; et me dist que je m’en allasse devers le Roy hardiement, et que je ne l’abandonnasse jusques à ce qu’il fust descendu en son paveillon. Et ainsi m’en allay devers le Roy. Et tantoust que je fu devers ledit seigneur, à luy arriva messire Jehan de Valery lui faire une requeste, qui estoit : que le sire de Chastillon le prioit qu’il lui donnast l’arriere-garde. Ce que le Roy lui octroia moult voulentiers. Et puis le Roy se mist à chemin pour se retirer en son paveillon, et lui levay son heaume de la teste, et lui baillay mon chappel de fer, qui estoit beaucoup plus legier, affin qu’il eust vent. Et ainsi que nous cheminions ensemble, à lui vint frere Henri prieur de l’ospital de Ronnay, qui avoit passé la rivière, et luy vint baiser la main toute armée : et lui demanda s’il savoit aucunes nouvelles de son frere le conte d’Arthois ? Et le Roy luy respondit que ouy bien ; c’est assavoir qu’il savoit bien qu’il estoit en paradis. Et le prieur frere Henry, en le cuidant resconforter de la