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estions tous prestz de leur courir sus, s’ilz se fussent plus avancez de venir.

Devant nous avoit deux heraulx du Roy, dont l’un avoit nom Guilleaume de Bron, et l’autre Jehan de Gaymaches, ausquelz les Turcs, qui estoient entre le ru et le fleuve, comme j’ay dit, amenerent tout plain de villains à pié, gens du païs, qui leur gettoient bonnes mottes de terre, et de grosses pierres à tour de braz. Et au darrenier, ilz amenerent ung autre villain Turc, qui leur gecta trois foiz le feu gregois. Et à l’une des foiz il print à la robbe de Guilleaume de Bron, et l’estaignit tantost, dont besoing lui fut. Car s’il se fust allumé, il fust tout bruslé. Et nous estions tous couvers de pilles[1] et de tretz qui eschappoient des Turcs, qui tiroient à ces deux heraulx. Or me advint que je trouvé illec prés ung gaubison[2] d’estouppe qui avoit esté à ung Sarrazin : et je tourné le fendu devers moy, et en fis escu, dont grant besoing m’eut ; car je ne fu blecié de leurs pilles que en cinq lieux, et mon cheval l’estoit en quinze lieux. Et ainsi tantoust, comme Dieu le voulut, arriva illecques ung de mes bourgeois de Jonville, qui me apportoit une banniere à mes armes, et ung grant cousteau de guerre dont je n’avois point. Et desormais que ces villains Turcs, qui estoient à pié, faisoient presse à ces heraulx, nous leur courions sus, et tantoust s’enfuyoient.

Et ainsi que nous estions là gardans ce poncel, le bon conte de Soissons, quant nous estions retournez de

  1. Pilles ou pillots : traits d’arbalète.
  2. Gaubison : il faut lire ganbison ou gamboison. C’étoit un vêtement contrepointé, garni de laine entassée et battue avec du vinaigre. Il résistoit au fer.