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Pour laquelle chose ledit conte d’Anjou, qui les avoit à garder celui jour, en devint presque hors du sens, et se vouloit getter dedans le feu pour l’estaindre. Et lors mes chevaliers et moy loüasmes Dieu ; car s’ilz eussent attendu à la nuyt, nous eussions esté tous ars et bruslez.

Et ce voyant le Roy, il fist une requeste à ses barons qu’ilz luy donnassent et trouvassent façon d’avoir du merrain des vaisseaux qu’ilz avoient sur mer, chascun de sa part le plus qu’il pourroit. Car il n’y avoit là bois dont ilz se fussent peu aider ; et ainsi le leur remonstroit le Roy. Dont chascun lui en bailla ce qu’il peut. Et avant que le chaz chateil fust achevé et accomply, le merrain qui y fut emploié fut estimé valoir dix mille livres, et plus. Parquoy povez congnoistre que maint bateaux en fut perdu, et que nous estions lors à grant destresse. Quant le chaz fut fait et acomply, le Roy ne voulut pas qu’il fust mis ne planté que jusques au jour que le conte d’Anjou son frere devoit faire le guet. Et commanda qu’il fust mis ou propre lieu où les deux autres avoient esté bruslez. Et ce faisoit-il affin de recouvrer l’onneur de sondit frere, au guet duquel avoient esté bruslez les deux autres chaz chateilz. Et ainsi que le Roy le voulut, ainsi fut-il fait. Quoy voiant les Sarrazins, ils attirerent tous leurs engins, dont ilz en avoient seize, et les coupplerent en façon que tous tiroient à nostre chaz chateil, qui avoit esté fait de neuf. Et quant ilz virent que noz gens doubtoient d’aller et venir au chas pour les pierres qu’ilz tiroient, ilz adresserent la perriere droit au chaz chateil, et le ardirent derechief avec feu gregois.