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faisoient de leur cousté de grans caves en la terre, et comme l’eauë se reculoit pour la chaussée qui se faisoit de nostre part, les foussez des Sarrazins se remplissoient d’eauë : et avenoit que tout ce que nous faisions en trois sepmaines ou ung mois, ilz le deffaisoient en ung jour ou en deux, et gastoient nos gens à coups de traitz, qui portoient la terre à faire ladite chaussée.

Les Turcs, quant leur Souldan fut mort de la maladie qui lui print devant Hamault, firent leur chevetain d’un Sarrazin qu’on appelloit Scecedun, filz du Seic[1], lequel chevetain l’empereur Ferrait[2] avoit fait chevalier. Et tantoust celui Scecedun envoia une partie de ses gens passer par devers Damiete, à une petite ville nommée Sourmesac, qui est sur le fleuve de Rexi, et vindrent frapper de ce cousté sur nos gens. Et le propre jour de Noël, tandis que j’estois à disner, mon compaignon Pierre d’Avalon, moy et tous noz gens, les Sarrazins entrerent en nostre ost, et tuerent beaucoup de pouvres de l’ost qui s’estoient escartez aux champs. Et incontinant nous montasmes à cheval pour aller à l’encontre : dont grant mestier[3] en estoit à monseigneur Perron nostre oste, qui estoit hors de l’ost aux champs ; car avant que fussions là les Sarrazins l’avoient ja prins et l’emmenoient, lui et son frere le seigneur du Val. Alors nous picasmes des esperons et courusmes sus aux Sarrazins, et recouysmes[4] ces deux bons chevaliers, qu’ilz avoient ja mis par terre à force de coups, et

  1. Scecedun, filz du Seic : le vrai nom de ce chef (chevetain) étoit Fachr-Addin.
  2. Ferrait : Frédéric.
  3. Mestier : besoin.
  4. Recouysmes (du verbe rescourre), secourûmes.