Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui sont en paradis terrestre, ainsi comme le vent abat és forestz de ce païs le bois sec ; et ce qui chiet en ce fleuve l'eauë amene, et les marchans le recuïllent, qui le nous vendent au pois.

Ilz disoient ou païs de Babilonne que maintesfoiz le Souldan avoit essaié de savoir dont venoit le fleuve, par gens expers qui suivirent le hault du cours d’icelui fleuve, et pourtoient avecques eulx pour vivre du pain qu’on appelle biscuit, pour ce qu’ilz n’en eussent point trouvé. Et lui rapporterent une foiz ses gens qu’ilz avoient suivy celui fleuve contremont[1], tant qu’ilz estoient allez jusques à ung grant tertre de riches taillées : sur lequel roc et tertre il n’estoit possible de monter, et de ce hault tertre cheoit le fleuve. Et leur sembloit avis que ou hault de la montaigne y avoit des arbres grant foison. Et sur icelui tertre disoient avoir veu grant quantité de diverses bestes sauvages, et de faczons fort estranges, comme lions, serpens, elephans, et autres bestes, qui les venoient regarder dessus la rive de l’eauë, ainsi comme ilz les veoient monter contremont. Et tantoust les gens du Souldan s’en retournerent, et n’ouserent passer ne aller plus avant.

Donques pour poursuir nostre matiere, disons que celui fleuve vient en Egipte, et gette ses branches parmy la terre commune, comme j’ay ja dit : dont l’une de ses branches vient à Damiete, l’autre en Alixandrie, l’autre à Tunis[2], et l’autre à Rexi. A celle branche qui vient à Rexi alla le roy de France à tout son ost, et se logea entre le fleuve de Damiete

  1. Qu’ilz avoient suivy celui fleuve contremont : qu’ils avoient remonté ce fleuve.
  2. Tunis : lisez Thanis.