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par ce qu’il n’y avoit en la mer illecques prés aucun port là où il se peust descendre pour attendre ses gens à seureté. Et aussi disoit que ung fort vent le pourroit bien prandre, qui nous pourroit getter et separer loing les ungs des autres en païs estranges, comme il avoit fait ses autres chevaliers le jour de la Penthecouste darreniere. Et fut accordé à son plaisir que le vendredi devant la Trinité le Roy descendroit, et yroit combatre contre les Sarrazins, se à eulx ne tenoit. Et commanda le Roy à monseigneur Jehan de Belmont qu’il fist bailler à monseigneur Airart de Brienne, avecques qui j’estoie, une gallée[1] pour nous descendre nous et noz gens d’armes, pour ce que les grans nefz ne povoient venir jusques à la rive de la mer à terre. Et ainsi que Dieu voulut, je me mis de ma nef en une petite gallée que je cuidoie avoir perduë, où estoient huit de mes chevaulx ; laquelle gallée m’avoit donnée madame de Baruth, qui cousine germaine estoit du Conte de Montbelial. Et au vendredi, monseigneur Airart de Brienne et moy tous armez alasmes devers le Roy, pour lui demander ladite gallée, qu’il nous avoit octroiée. Mais missire Jehan de Belmont nous respondit, present le Roy, que nous n’en aurion ja point. Parquoy povez congnoistre que le bon Roy avoit autant affaire à entretenir sa gent en paix, comme il avoit à supporter ses fortunes et pertes.

Quant nos gens virent que nous ne amenions point de gallée, ilz se laisserent cheoirs en la barque à grant force. Et quant les mariniers virent que la barque affondroit en la mer peu à peu, ilz se retirerent en la

  1. Gallée : barque.